Publié le 02 déc 2020Lecture 6 min
Actualités dans la dermatite atopique de l’enfant et de l’adolescent, de l’épidémiologie à la prévention
C. FABER, Paris

Une session consacrée à la dermatite atopique a été l’occasion de passer en revue les connaissances actualisées sur l’épidémiologie, le diagnostic, la clinique et la prise en charge thérapeutique et préventive de cette maladie chronique chez l’enfant et l’adolescent à travers l’analyse des données récentes de la littérature.
Des nouveautés épidémiologiques ?
On sait que la prévalence de la dermatite atopique (DA) chez l’enfant, qui a nettement augmenté au cours des dernières décennies, s’est stabilisée dans les pays industrialisés (10-15 % en Europe), mais semble progresser dans les pays en développement. En revanche, il y a encore peu de données chez l’adolescent. D’où l’intérêt d’une grande étude présentée à l’EADV 2019 et selon laquelle la prévalence de la DA dans la population des 12-17 ans est proche de celle observée chez l’enfant, d’environ 14 % en Europe et en France. Autrefois considérée comme une maladie du nourrisson s’améliorant avec les années, la DA se caractérise en fait par des profils évolutifs très variés. Les données d’un registre américain témoignent de la persistance fréquente des formes légères à modérées. En effet, après au moins 2 ans de suivi, plus de 80 % des patients avaient encore des symptômes et seuls les plus de 20 ans avaient eu des périodes de DA non actives pendant 6 mois. Par ailleurs, le concept de marche atopique classique (DA – asthme – rhinite allergique) n’est pas remis en question, mais l’analyse des données poolées des plus grandes cohortes de DA montre que cette évolution ne concerne qu’un petit nombre de patients. Le début précoce de la DA, la polysensibilisation, les formes de DA persistantes ou sévères, l’atopie parentale et les mutations de la filagrine constituent des facteurs de risque de marche atopique.
Fait-on toujours le bon diagnostic ?
Le phénotype de DA chez le nourrisson et son évolution avec l’âge sont bien connus, de même que l’utilité des signes mineurs (double repli palpébral, fissures sous-auriculaires, dartres hypochromiques, hyperlinéarité palmaire) pour compléter le diagnostic. Cependant, il est toujours possible de se tromper face à des présentations atypiques. Des cas de confusion diagnostique entre DA et gale ont par exemple été rapportés. Il faut aussi savoir évoquer — entre autres — des pathologies comme l’eczéma herpeticum compliquant une DA, le prurigo perannuel avec sensibilisation aux acariens, en sachant que ce prurigo atopique peut évoluer vers un eczéma nummulaire, ou encore, beaucoup plus rarement, un déficit immunitaire (syndrome d’Omenn, syndrome de Netherton).
Quel lien entre DA et allergies alimentaires ?
Les résultats des nombreuses études épidémiologiques sur ce sujet sont unanimes : il existe indiscutablement un lien entre DA et AA. Reste à savoir s’il s’agit d’une relation de causalité et dans quel sens elle s’établit. En ce qui concerne l’hypothèse de la responsabilité des AA dans la survenue des poussées de DA, les données de la littérature sont peu convaincantes. En témoigne la conclusion d’une revue systématique de 2009 de 9 essais randomisés d’évaluation de l’effet sur les signes de DA d’une éviction principalement du lait et/ou de l’œuf. Ses auteurs soulignent les nombreux biais de ces études dont une seule était positive (n = 55 enfants) montrant une réduction de la surface cutanée atteinte et de la sévérité des lésions après 4 semaines d’éviction de l’œuf. À l’inverse, des travaux de bonne qualité étayent l’hypothèse selon laquelle la DA, notamment l’altération de la barrière cutanée évaluée par la mesure de perte insensible en eau (PIE), favorise le développement des AA. Deux études réalisées à partir de grandes cohortes de naissance, britannique et irlandaise, ont ainsi mis en évidence une association significative entre une PIE élevée à l’âge de 3 mois et des prick-tests alimentaires positifs (odds ratio [OR] 3,26) d’une part, et montré qu’une PIE élevée au 2e jour de vie est un facteur prédictif d’AA à l’âge de 2 ans (OR 4,1), d’autre part. La réalité du lien causal entre DA et AA est renforcée par une étude génétique (genome-wide association study) qui a permis d’identifier 5 loci associés aux AA dont 2 ont un rôle dans la barrière cutanée : le gène de la filagrine et le cluster SERPING.
Le traitement proactif, une bonne approche ?
Le traitement proactif a des intérêts multiples clairement démontrés tant avec les dermocorticoïdes (DC) qu’avec le tacrolimus topique. Un effet préventif significatif de ce traitement bihebdomadaire versus le véhicule a été relevé dans une revue systématique de 8 études, toutes positives (Schmitt J, BJD 2011). Son efficacité se traduit par une réduction significative du nombre de poussées et par une augmentation de l’intervalle entre les poussées. Le traitement proactif a également un impact sur le SCORAD (SCORing of Atopic Dermatitis), la qualité de vie de l’enfant (CDLQI : Children’s Dermatology Life Quality Index) et de sa famille (DFI : Dermatitis Family Index) et sur les sensibilisations (Fukuie T, J Dermatol 2016).
Que proposer dans les formes sévères ?
Les options thérapeutiques dans les DA graves de l’enfant incluent le méthotrexate (MTX), un immunosuppresseur, et le dupilumab, une biothérapie. Le MTX est facile à utiliser, généralement bien toléré y compris chez le jeune enfant. Les données actuelles sur son efficacité proviennent essentiellement de publications d’expériences cliniques (Dvorakova V, Pediatr Dermatol 2017 ; Anderson K, Pediatr Dermatol 2019) et il est utilisé hors AMM en Europe. Le dupilumab a une efficacité démontrée par des études de phase III randomisées contrôlées en double aveugle dans la DA modérée à sévère de l’adolescent (n = 250 patients de 12 à 17 ans) et dans la DA sévère de l’enfant (n = 367 patients de 6 à 11 ans) en combinaison avec les DC (Simpson EL, JAMA Dermatol 2020 ; Paller AS, JAAD 2020) ; Paller AS, JAAD 2020). Après 16 semaines, 24,4 % des adolescents traités par dupilumab 200/300 mg toutes les 2 semaines étaient blanchis ou presque blanchis (IGA 0 ou 1) versus 2,4 % sous placebo et 41,5 % versus 8,2 % avaient atteint un EASI-75 (p < 0,01). Les variations moyenne du score EASI et du SCORAD étaient également très significatives dans le groupe biothérapie. Les infections cutanées, les conjonctivites et les réactions au site d’injection figurent par les effets indésirables les plus fréquents. Chez l’enfant, les résultats sont encore plus significatifs avec un EASI-75 à S16 obtenu dans 70 % des cas sous dupilumab 300 mg toutes les 4 semaines + DC versus 27 % sous placebo. Le profil de tolérance de ce traitement est cohérent avec les données observées chez l’adolescent. Le suivi jusqu’à 52 semaines de 38 enfants montre que l’efficacité du dupilumab se maintient à long terme avec un profil de sécurité similaire à celui observé chez les adolescents (Cork MJ, BJD 2020). Enfin, une étude ouverte de phase II a fourni des premières données encourageantes chez des petits enfants atteints de DA sévère (n = 40 patients âgés de 6-12 mois et de 2-6 ans) après l’administration d’une seule dose de dupilumab (Paller AS, JEADV 2020).
Quid des émollients en prévention de la DA?
On se souvient de l’intérêt suscité par la publication de deux études contrôlées méthodologiquement assez proches dans lesquelles l’application quotidienne d’émollient chez des nouveau-nés à risque réduisait le risque de DA de 50 % à 6 mois aux États-Unis (Simpson EL, JACI 2014) et de 32 % au Japon (Horimukai K, JACI 2014). Mais cet effet préventif des émollients appliqués précocement n’a pas été retrouvé par l’étude britannique BEEP (Chalmers JR, Lancet 2020). Il s’agit d’une étude pragmatique, randomisée et contrôlée, avec un plus grand effectif (n = 1 394 nouveau-nés à risque) et un suivi proche de la pratique en vie réelle. Aucune différence de prévalence de la DA à l’âge de 2 ans n’a été constatée entre les enfants ayant bénéficié de l’application d’émollients pendant 1 an et les témoins (incidence cumulée 23 % et 25 %). Ni l’âge de début de la DA ni sa gravité n’ont eu un impact sur le risque de DA et les infections cutanées ont été plus fréquentes dans le groupe émollient. Il est difficile de comparer ces études compte tenu des différences de méthodologie et de la diversité des émollients utilisés. Des questions se posent aussi sur l’éventuel impact des « protocol violator » du groupe contrôle et des non adhérents du groupe traité. On attend maintenant les résultats des trois grandes études CASCADE, PEBBLES et TREAT en cours.
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